Le commerce du café en Ethiopie

Caféier

Comme vous le savez peut-être, j’ai eu la chance de passer une semaine en Ethiopie, plus particulièrement à Addis Abeba et dans la région de Sidamo et la sous-région de Yirgacheffe. Le commerce du café en Ethiopie, depuis que j’ai lancé la torréfaction, a toujours été un mystère et je n’arrivais pas à avoir d’informations claires sur son fonctionnement. C’était l’occasion d’enfin comprendre comment il fonctionne. Et bien, malgré les difficultés logistiques, on peut dire que c’est très bien organisé. Voici les différentes étapes de la commercialisation d’un café provenant d’une station de lavage indépendante.

Le premier Marché

Première étape, après récolte du café dans son jardin ou en forêt, le fermier amène sa production sur la place du premier marché. Là, le sac est pesé et suivant la qualité, la maturité des cerises, le moment de la saison, le terroir et la station de lavage, le fermier en obtiendra un certain prix.

First Market

Le Dépulpage

Seconde étape, le café est dépulpé dans la station de lavage, gradé automatiquement par la densité des grains à la sortie du dépulpage et mis à fermenter dans des bacs de fermentation.

Depulpeur

Dépulpeur

bac de fermentation

bac de fermentation

La fermentation permet de rendre la parche qui protège le grain, friable, sans cette étape, la parche resterait liée au grain et il serait très compliqué de séparer grain et parche.

Le lavage

Dès que la fermentation a fini son travail, il est urgent de laver les grains afin d’arrêter la fermentation. Si elle durait trop longtemps, cela affecterait la qualité de la tasse. Le réservoir est vidé dans un canal où est déversée de l’eau en continu. Les grains sont brassés dans ces canaux, les flotteurs sont éliminés car défectueux (pas matures, trop matures, abimés,…). Les grains restants sont alors rassemblés sur des lits carrés pour un premier séchage et tri rapide puis étalés sur les lits africains.

Lavage

Lavage

Le séchage et le tri

Une fois sur les lits africains, les grains sont remués régulièrement pour assurer un séchage égal et déplacés suivant leur degré de séchage, jour après jour, du haut de la colline au bas ou de la zone la plus venteuse à la moins venteuse, suivant les emplacements et orientations des stations. Tout au long de ces jours de séchage, ils sont triés afin d’éliminer les grains cassés, déparchés, jaunis, brunis, etc… De ce tri manuel dépend énormément la qualité définitive du café. Bien sûr, plus les cerises sont cueillies à maturité, plus ces étapes sont facilitées mais les conditions de récolte, le prix des cerises et les connaissances des fermiers sont des facteurs limitants importants de la qualité de la matière première.

lit africain

tri manuel sur lit

Mise en sac, enchère

Quand le café arrive à un certain degré d’humidité, il est considéré comme sec, mis en sac et transféré dans le bâtiment de l’ECX (Ethiopian Commodity Exchange) où il est stocké jusqu’à achat par un exportateur. Un échantillon est prélevé et est gradé suivant les défauts apparents des grains. Un numéro de lot avec le grade est alors fourni au vendeur, qui, à Addis Abeba, se rend dans la salle des enchères et propose son lot. Une salle réunit acheteurs et vendeurs. Si un acheteur (exportateur) est intéressé, un accord sur le prix est trouvé et scellé par un high five. Chacun remplit dans son coin un feuillet avec son identifiant, le code du lot ainsi que le prix décidé. Ces feuillets sont vérifiés par un opérateur qui vérifie visuellement si les informations concordent, et électroniquement que le lot se trouve bien dans le bâtiment de l’ECX et que l’acheteur a bien à disposition la somme indiquée sur son compte. Si un des éléments n’est pas vérifié, la vente est annulée. La vérification prend 2 secondes. Un vendeur, à partir du moment où son lot est arrivé à l’ECX, a 3 mois pour vendre son lot et plus il attend plus il a de pénalités à payer. Un acheteur, une fois le lot acheté, a 30 jours pour exporter le lot. Une fois le lot vendu, l’exportateur peut alors déparcher le café.

Trading

Cathédrale ECX
Tous les cafés produits en Ethiopie qui ne viennent ni de fermes ni de coopératives sont déparchés et préparés ici, c’est à dire la grande majorité. Cette immense salle est pleine de sacs dès que la saison commence (là, elle n’a pas encore commencé et doit justement être vidée pour accueillir la nouvelle récolte qui ne saurait tarder).

Déparchage, tri, gradage définitif et exportation

Une fois l’exportateur en possession du lot, il doit le préparer dans le bâtiment de l’ECX. Les sacs sont alors déversés dans une immense et assourdissante machine qui va séparer la parche du grain, retirer les pierres et tout corps étranger et trier suivant la densité et la couleur. Tout ce que la machine aura éliminé (grains brisés, trop légers, trop petits, de couleur orangée ou blanche) sera revendu sur le marché local. Après la machine, le café tombe sur un tapis d’une centaine de mètres de long où des femmes sont alignées et effectuent le dernier tri visuel pour ce qui aurait échappé à la machine (et il y en a !). L’exportateur doit s’assurer que le café obtenu à la fin de ce tapis correspond au grade acheté. A lui de définir combien de temps le grain passera sur ce tapis. Bien évidemment, moins la qualité est bonne au départ, plus il faudra passer de temps sur le tapis et plus cher cela lui coûtera.

Trieuse pour corps étrangers

Trieuse grains brisés

Trieuse densimétrique

Trieuse colorimétrique

Tapis manuel

Stockage final, vérification du grade et export

Une fois le tapis manuel passé, le café est prêt, mis en sacs, il est stocké par lot dans une salle, prêt à être chargé sur camion et exporté. Un échantillon est alors prélevé et fourni à une équipe de cuppeuses sur place, en charge de vérifier le grade et la qualité du café en tasse. Si la quantité de défauts constatés dépasse celle annoncée sur le lot, le café est rejeté. L’exportateur doit alors repasser par une phase de tri ou vendre son café en local. Il n’a pas le droit de déclasser son lot et l’exporter ! On évite ainsi toute bidouille. Si le grade correspond mais que la tasse est défectueuse, le lot est aussi rejeté. Malheureusement, il est rare dans ce cas qu’un nouveau tri puisse régler le problème et l’exportateur en est pour ses frais, la prochaine fois, il n’aura qu’à apprendre à cupper les cafés qu’il achète (il en a le droit avant que le lot passe à l’ECX). Par contre, du moment que la tasse n’est pas défectueuse et que le grade correspond, le lot est validé et peut être exporté. Cela ne veut pas dire que tous les Yirgacheffe « grade 2 » validés sont bons, mais simplement que la tasse n’est pas défectueuse et que le nombre de défauts trouvés dans les grains correspond à la fourchette du grade 2. C’est pour cette raison que vous trouvez des grade 2 meilleurs que des 1 et moins bons que des 3 !!! La vérité est dans la tasse. Le café est alors pesé et mis sous scellé sur des semi-remorques, direction Nord-Est pour l’export par bateau. Si, arrivé au port, la quantité ne correspond pas et/ou les scellés ont lâché, bonne chance à l’exportateur, il semblerait que la sanction soit grosse amende et prison.

Sacs prêts à embarquer sur camions

Cupping et gradage ECX post achat

Camions chargés

Cas particulier des cafés naturels

Les cafés naturels ou par voie sèche sont de plus en plus populaires en Ethiopie, surtout depuis l’avènement des lits africains. La fermentation qui permet de séparer la parche du grain s’effectue dans la cerise, séchée au soleil, directement sur les lits africains. Les cerises sont décortiquées sur place et envoyées à Addis en grains et non en parche. Mais pour le reste, le système reste le même, ils sont stockés dans la cathédrale en attendant de changer de propriétaire, puis triés automatiquement et manuellement, et enfin validés, mis sous scellés et exportés.

Voie sèche

Et pour les fermes et coopératives ?

Les fermes et coopératives sont deux cas particuliers distincts. Point commun, ils ne passent pas par l’ECX.
Les fermes produisent, traitent les cerises et préparent les sacs de grain en leur sein. Elles vendent et exportent en direct le café.
Les coopératives dépendent d’ensembles plus grands appelés Unions. Nous avons visité l’Union Oromia à Addis, qui regroupe des coopératives dans toutes les zones de production du pays. Ils servent d’exportateurs aux coopératives et ont des capacités de cupping, grading, transport, stockage et déparchage.

Voilà, le commerce du café en Ethiopie n’a désormais plus de secrets pour vous. Et quand on voit la quantité de personnes impliquées et le travail que demande la mise sur le marché d’un paquet de café, on se rend compte que c’est vraiment un produit donné aujourd’hui !