Les cafés nature

Qu’est ce qu’un café nature et pourquoi est-ce important ?

Le mot nature, dans le monde du café, est utilisé pour décrire une méthode de préparation des grains post récolte, il est à opposer aux méthodes lavées ou mielleuses (et autres méthodes de séchage spécifiques à certaines régions de la planète). En fait, il s’agit tout simplement de la voie sèche, c’est à dire que les cerises, une fois cueillies, sont laissées à sécher/fermenter au soleil avant d’être décortiquées et mises en sacs.

Mais alors pourquoi l’avoir appelée la voie naturelle ? Il s’agit de la méthode de séchage la moins chère et la plus simple à mettre en place et donc la plus souvent utilisée pour produire les cafés à bas coût que vous trouvez dans les grandes surfaces. Cette voie de préparation a donc très rapidement pris mauvaise réputation, les grains finissant souvent surfermentés voire pourris. Or, ce problème n’est pas inhérent à la méthode mais à la non maîtrise de celle-ci et certaines régions de production comme le Harrar en Éthiopie ne peuvent s’en passer, par manque d’eau en quantité pour utiliser la voie humide (il en perdrait en plus son identité). Il existait donc sur le marché de spécialité (ou grand cru) des voies sèches qui étaient exceptionnelles mais boudées par les professionnels qui ne juraient que par la voie humide (et pour certains, c’est toujours le cas aujourd’hui !!). C’est alors que des Américains, grands marketeux devant l’Eternel, eurent l’idée d’appeler ces cafés naturals, en jouant sur le fait qu’on n’utilisait pas d’autres produits, pour le séchage, que le soleil. Par analogie, pour les Français, ces cafés sont devenus nature.

Même si j’adore faire des analogies (qui existent) entre le vin et le café, pour le coup, ce mot est un faux ami. Il n’y a rien de naturel (au sens viticole du terme, dont vous trouverez une description ici) dans les cafés nature.

Est-il si important de de faire la distinction entre un café nature et lavé ?

C’est essentiel, tellement les caractéristiques de base des cafés issus de ces 2 méthodes sont différentes. Un café lavé va plus facilement exprimer les notes florales, une acidité agrumée, de la finesse, un côté clean (une sensation de netteté de la tasse à la dégustation) alors que les cafés nature cachent plus facilement leur acidité, sont souvent plus corpulents, plus fous en bouche et expriment des arômes de fruits secs et/ou compotés. Il suffit de goûter un sidamo nature et un autre lavé (au hasard, le kebado et le shakiso) pour comprendre ce qu’amène chaque méthode.

Cet article inaugure une nouvelles section du blog qui tend à démonter certaines idées reçues sur le café.

Un point sur les prix

Comme vous avez pu l’entendre et le constater ces derniers mois, le prix des matières premières explose.
Le café, 2ème matière première la plus échangée dans le monde après le pétrole, ne fait pas exception.
J’adorerais pouvoir taper sur la tête des spéculateurs (ne serait-ce que parce que ça défoule) mais, au final, pour le café, ils ne viennent qu’amplifier la hauteur de la lame de fond qui va remodeler durablement ce secteur.

Pour le marché de base, l’augmentation est de plus 100%. Si les prix ne retombent pas, attendez-vous une augmentation du prix du paquet pour une qualité significativement en baisse. Quelque chose me dit que les grandes marques vont trouver des slogans extraordinaires pour vous vendre du Robusta (plus de 60% moins cher que l’arabica) et que la majorité des cafés de restaurant vont voir leur %age de Robusta passer de 10/20% à plus de 30… Vous aviez déjà du mal avec ce vague jus noir au prix indécent, vous n’allez plus pouvoir y toucher !

Je pourrais très bien arrêter là mon article et ricaner bêtement sur le sort de ces torréfacteurs et restaurateurs mais il s’avère que ce mouvement crée aussi des remous au niveau du « speciality market », le « marché de spécialité », les « grands crus »… Enfin le bon café quoi…
L’impact n’est bien pas aussi énorme que sur le marché de base (plutôt de l’ordre de 15 à 30%) mais il est là et nettement plus clair à analyser.

Les principaux facteurs sont les suivants :

– Des aléas climatiques contribuent à une baisse naturelle de la productivité des plants accentuée par une augmentation d’attaques d’insectes et maladies. Les prévisions de récolte vont jouer de manière très significative dans la variation du prix sur le marché à terme. Jusque dans le milieu des années 70, c’était LE facteur déterminant. Depuis, avec la dérégulation, la spéculation financière a pris le dessus, a amplifié ce phénomène et en a ajouté d’autres, ce qui rend le marché illisible et encore plus nerveux (joli exemple de cercle vicieux).

– L’augmentation de la consommation de café. Par exemple, le Brésil consomme aujourd’hui quasiment la moitié de sa production, c’était moins de 10% il n’y a pas si longtemps… Et il en va de même de tous les pays que l’on aurait tendance à appeler émergeant mais qui, niveau café, ont bien émergé. La quantité globale de café disponible n’augmentant pas, la loi de l’offre et de la demande pousse les prix à la hausse.

– L’apparition d’une vraie culture café dans les pays développés, d’où un engouement toujours plus important vers des cafés de qualité. Et cela, je le constate tous les jours. Quand on a gouté à ces cafés, on ne revient pas en arrière, que l’on habite le 1er arrondissement de Paris, Souffelweyersheim ou Caouënnec-Lanvézéac (promis, je ne les ai pas inventés :)). Le café de qualité demandant un réel engagement, un terroir et une connaissance de la culture et des méthode des séchage, la quantité disponible n’augmente que doucement, bien moins rapidement que la demande, pas besoin de vous faire un dessin de l’impact sur le prix…

– La fin de l’énergie peu chère (gaz et du pétrole). Non, le café ne se dématérialise pas au Brésil pour réapparaitre dans mon garage et il ne passe pas de l’état vert à torréfié par l’opération du Saint-Esprit (de tout façon, il ne connait pas mes courbes de T°, alors je n’aurais pas confiance).

– La généralisation des méthodes de protection des grains. Ils permettent de maintenir la fraicheur des grains. Que ce soit avec les Penta Box de Daterra ou les Grain Pro chez d’autres, la différence est majeure mais elle a un coût additionnel non négligeable.

Mais alors cette augmentation, un bien ou un mal ?

Un bien pour les producteurs qui profitent aujourd’hui de prix dont ils ne pouvaient que rêver il y a quelques saisons, qui leur permettent d’investir dans des équipements plus perfectionnés afin d’encore augmenter la quantité et la qualité dans leur production.
Un mal (relatif) pour nous qui devons débourser plus pour l’importer, le transformer et le consommer. Je relativise parce qu’une tasse d’espresso pour un paquet à 6 euros, ce n’est jamais que 17 centimes.

Et au final quel impact sur le porte monnaie ?

Difficile de répondre de manière générale mais dans le cas de Caffè Cataldi, et hors Cup of Excellence, qui sont des exceptions fonctionnant sur le principe des enchères, alors qu’au lancement la gamme des prix allait de 4,50 à 6 euros avec une majorité à 5/5,50 euros, elle est désormais de 5 à 7 euros avec un équilibre actuel à 5,50 euros penchant de plus en plus vers les 6 euros. Cependant, en parallèle, grâce à la généralisation des Penta Box et autres Grain Pro, la qualité gustative des produits s’est aussi nettement améliorée. Je considère donc pour l’instant que le rapport qualité/prix est quasiment inchangé, ce qui reste pour moi, l’indice déterminant. Mais soyez simplement sûrs d’une chose, ici, l’arnaque n’a pas de place à table et qu’être le plus riche dans la tombe m’intéresse assez peu (certains avaient-ils encore un doute ?). Donc, si par je ne sais quel événement, les prix venaient à baisser, ce serait répercuté lors de la mise en place des nouveaux cafés (ma feuille excel de calcul de marge fonctionne bien et je suis trop flemmard pour la modifier).

Et pour terminer et vous démontrer que de toute façon, vous n’avez pas le choix, j’ai demandé à un ami, Sauron, qui habite une très jolie tour, de conclure pour moi.

Un Café pour les gouverner tous. Un Café pour les trouver. Un Café pour les amener tous et dans les torréfactions les lier.