Champion de France de torréfaction 2010 !

Pour la 1ère fois a été organisé en France le Concours du Meilleur Torréfacteur, sous l’égide du Comité Français du Café.

Lorsque j’ai appris cela l’année dernière, alors que je n’avais même pas encore réussi à brancher mon Probatino, je me suis immédiatement dit qu’il fallait que j’y participe.
A peine les inscriptions lancées, j’ai répondu présent.
Nous nous sommes rapidement retrouvés à 9 concurrents, limite logistique pour la 1ère année.
Rendez-vous fut donc pris à Aix-Les-Bains, les 12 et 13 septembre 2010.

Inutile de dire que du haut de mes 9 mois d’expérience pro et 1,4 tonnes à l’année, je n’en menais pas large le 12 septembre à 8 heures lorsque j’ai rencontré mes confrères, tous plus ou moins dans ma tranche d’âge et sympas (dont un strasbourgeois que j’avais croisé du temps de mes études et défoulements hebdomadaires au volley).
Après présentation rapide des épreuves et tirage au sort pour déterminer des groupes de passage de 3 aux torréfacteurs (1 samiac, 1 probatino, 1 Petroncini), c’était parti !

1ère épreuve : Connaissances en Caféologie (30 points)

Un QCM sur le monde du café, de la production à la tasse en passant par l’entretien des torréfacteurs, des stats sur les pays producteurs et de l’Histoire. Plutôt faisable et équilibré, bien que, sur certaines questions, des indices donnés par l’examinateur m’ont fait répondre (justement) le contraire de ce qui est indiqué dans la documentation de mon Probatino… Allez savoir…

2ème épreuve : Dégustation (15 points)

5 tasses percolées en espresso (pas très logique sur une épreuve de dégustation), à nous de reconnaître :
– Un café trop frais (jeune récolte)
– Un café rioté (goût iodé, médicamenteux, en gros, ça fait vomir 🙂 )
– Un café vieux (un peu ligneux)
– Un arabica
– Un robusta

Problème : Je n’avais jamais goûté de café rioté, ni de trop jeune, ni de robusta pur.
Inutile de dire que le stressomètre est monté en flèche.

A disposition, 1 petite cuillère, 2 tasses d’eau et 5 de café notées A,B,C,D,E.
Toutes avec une belle crème (merci la machine tout auto qui se débrouille pour faire illusion).

1ère dégustation : A dégueu, B vomitif, C moyen pas bon, D acide, E Robusta (finalement facile, arômes que l’on retrouve dans 99 % des cafés de restaurants/bars)
2ème dégustation (la crème a presque disparu, le café est encore bien chaud) : A moyennement dégueu, B vomitif, C ligneux un peu creux, D houlà mais ça se réveille c’est beau ça ! E définitivement Robusta
3ème dégustation (plus de crème le café est tiède) : A finalement pas mal, mais le début de bouche semble un peu déséquilibré, B pourquoi je continue à goûter ce truc, C clairement plat et ligne, D houlalalala quel bel arabica, E si c’est pas un robusta j’arrête ce métier
4ème dégustation (plus de crème le café est vraiment tiède) : A définitivement un manque d’équilibre, C vraiment ligneux
5ème et dernière dégustation pour tout valider (café quasi froid) : A je me souviens que les cafés trop jeunes sont souvent déséquilibrés, donc JEUNE, B si je trouve le jury qui a décidé de mettre ce café en dégustation, je le tape, RIOTE, C plat ligneux on dirait vraiment un bâton de réglisse qu’on a trop machonné (le coté ligneux) sûrement un grain qui a perdu de sa superbe VIEUX, D même froid il est beau ARABICA (qui s’avèrera être un Costa Rica, avec le recul, c’est en effet très typé), E ce truc terreux qu’on retrouve dans beaucoup de mélanges pour bar ROBUSTA

En sortant de l’épreuve tout le monde est perdu et beaucoup pensent que le D est le jeune et le A l’arabica.. Inquiétant, d’autant plus qu’un jury confirme qu’un café jeune peut montrer un excès d’acidité… On verra bien.

3ème épreuve : Reconnaissance de cafés verts (15 points)

Nouveau problème : Je m’intéresse assez peu aux grades (ça peut être un indicateur de qualité mais c’est loin d’être le plus fiable), je ne stocke pas de robusta et je n’ai pas assez de vécu pour en avoir vu suffisamment chez les importateurs.
13 cafés présentés, 10 à identifier. Au final, les robusta et grades me plantent (bien fait !), ainsi qu’un café bleuté du Costa Rica que je ne connais pas et que je prends pour un déca (il est aussi sombre) : 3 erreurs.

4ème épreuve : Torréfaction, obtenir 1 Kg d’un café pour espresso le plus équilibré possible (40 points)

Super, j’ai tiré le Probatino (mon torréfacteur) et j’étais dans le dernier groupe, j’étais donc sûr que la machine serait parfaitement chaude.
Arrivé sur les lieux, je me rends compte qu’elles sont (hors samiac) complètement à la rue. Le Probatino s’est mis en sécurité et tire trop d’air frais, du coup la résistance, à fond, ne chauffe pas la chambre et les grains ne torréfient pas. Le petroncini, lui, a décidé de coincer la trappe d’évacuation des grains, un forçage par un jury cassera la trappe, out 2 heures.
L’épreuve, au lieu de ne durer que jusqu’à 11H30, ira jusqu’à 16 heures. Je passerai finalement après le déjeuner, machine froide. Je commence par la réchauffer, 45 minutes !!!!!! Là, où il en faut 10 sur la mienne, je me dis que je n’y arriverai pas.
6 cafés s’offrent à moi : Guatemala, Brésil, Indonésie (Java), Ethiopie Sidamo, Ethiopie Harrar, Robusta. Je pars pour un mélange 40% Guatemala, 40% Brésil, 20% Sidamo en espérant que le Brésil servira de base bien douce avec de la rondeur, le Guatemala m’amènera une longueur en bouche, du corps et du chocolat, le Sidamo une belle/fine acidité et une note épicée en fin de bouche. Déconvenue supplémentaire, impossible de torréfier séparément, de goûter ensuite et d’équilibrer le mélange. Allez hop, le même profil pour tout le monde ! Dur.
A la première broche, constatant que finalement le torréfacteur monte correctement en T°, je m’emballe et tente un palier au 1er crack… quel humour ce torréfacteur, il continue à monter en T°, finalement avec 1m30 de retard il se stabilise, et là, c’est le drame. Je repars à la chauffe trop tard et l’inertie de la résistance fera que la hausse n’interviendra finalement que 2 minutes plus tard alors que la T° des grains avait commencé à chuter, ARGH ! La hausse étant anémique, je décide de sortir la broche pour en refaire une, sur les conseils avisés de mon jury.

Cette fois, tant pis pour la nuance, le temps presse, j’en ai marre de ce torréfacteur, je laisse filer la chauffe et sors la broche juste avant le second crack mais à 13min30, trop tôt à mon goût. A l’odeur, je finis par choisir la seconde broche.

Le bordel continuera avec le dernier candidat, dont le petroncini se sentira dans un état proche de l’ohio, il sera finalement autorisé à utiliser le Samiac.

Voilà, les épreuves sont terminées mais il est temps, pour beaucoup des participants au congrès, de faire une balade sur le lac du Bourget (qui restera apparemment dans les annales, nos petits enfants en parleront encore, foi de montpelliérain). Pour Annick et moi, ce sera Inception au cinéma et dodo (ou était-ce une tentative d’extraction ?).

A neuf heures, ouverture des portes. Nous apprenons que la remise des prix sera à 10 heures et nous nous détendons en plaisantant.
D’après le règlement, à partir de 75 points sur 100, on obtient le titre de Meilleur torréfacteur de France 2010, le premier obtenant le titre de Champion de France de Torréfaction 2010. J’espère que ceux avec qui j’ai pris plaisir à discuter obtiendront au moins les 75 points. Une rumeur commence à parcourir le salon, seul un concurrent a réussi un sans faute à la dégustation (apparemment ça a l’air d’impressionner quelques personnes)…

10 heures, après les remerciements aux sponsors, arrive la 1ère information : Seuls 4 concurrents ont dépassé la limite des 75/100. Ouille ! J’espérais plus, je commence à douter. On commence par le 9ème… 60,x points, c’est pas moi. Impossible de me rappeler les noms, d’autant plus que première déception, mon collègue strasbourgeois, avec qui j’avais bien sympathisé et qui espérait vraiment dépasser la limite, est recalé, 6ème. Pourtant, il connait son sujet, au QCM on était plutôt d’accord sur les résultats, GLOUPS. Rapidement, le 5ème est annoncé, ce n’est pas moi… Je suis donc meilleur torréfacteur de France. Je suis content. Le temps que je réalise, le troisième est annoncé et nous ne sommes plus que 2 pour le titre. Mince, le second, ce n’est pas moi !!!
« Et le meilleur torréfacteur, c’est le plus grand aussi, Stéphane Cataldi de Caffè Cataldi ».
Ah ! Mais c’est moi ! Applaudissements, sourires, je ne sais pas comment réagir (comme d’hab quoi). Un petit merci à la foule et voilà que la maison Jobin arrive et m’offre un tonnelet en bois décoré, avec, sur le bord supérieur une inscription : Kopi Tongkonan Toraja Gunung Sesean. Il s’agit en fait d’un café d’Indonésie EXTREMEMENT rare, produit entièrement à la main, sélectionné grain par grain, et dont le tonnelet est taillé et peint par la famille de la tribu Toraja qui a récolté le café. Chaque tonnelet contient 1,5 Kg de café vert sous scellé, est unique et les dessins représentent la philosophie Toraja et l’humeur du moment de l’artiste ; j’espère bien un jour trouver l’explication cachée derrière ces symboles. Un jury m’indique alors que j’ai réalisé un sans faute à la dégustation et que mon mélange espresso était parmi les 2 tasses qui étaient ressorties des 9.

JOIE.

Comment ne pas finir un tel article sans remercier :
Ma famille, qui en me privant de café à mon adolescence et m’éduquant le palais, a sûrement entrainé la frustration nécessaire et la capacité à reconnaitre les bonnes choses 🙂
Annick et les enfants, sans qui tout cela n’aurait pas été possible.
Le Comité Français du Café, qui a organisé l’événement.
« Mes » importateurs, qui me permettent d’avoir au moins un « Whoa effect » par jour sur la Musica.
Mes amis, que je n’appelle pas assez souvent (ok, ok, j’avoue, jamais).
Internet, Mark Knopfler et Apple, tous trois déterminants dans mon parcours.
Et… VOUS, qui me permettez de faire le plus beau métier du monde !

14 réflexions sur « Champion de France de torréfaction 2010 ! »

  1. C’est raconté comme dans un film en plus, le suspens jusqu’au bout! 😀

    Félicitation, tu me fais regretter de ne pas aimer le café 😉

  2. Quelle merveille, ce café rare qu’ils t’ont offert… Félicitations encore une fois, c’est ce qui s’appelle un début en fanfare de ta carrière de torréfacteur :).

  3. Excellent, que de suspens. Ma donné envie D’en boire un, tiens. Chez moi c’est a la turc ou rien. Même pour un café mexicain.

  4. Même avec ces problèmes de torré, tu t’en es sorti comme un chef ! Trop bien !

    C’est génial quand même : TU es le 1ER torréfacteur de France du 1ER concours du meilleur torréfacteur. Oui, c’est bien toi ! Tu as bien mérité ton tonnelet et ce qu’il contient. BRAVO !

    Maintenant, va falloir torréfier ce café Kopi sans trembler…..

  5. Bravo pour cette magnifique aventure si bien narrée et félicitations!

  6. Tu est un grand Stéphane!
    Félicitation pour ton joli parcours en si peu de temps et surtout pour tes magnifiques cafés!
    Surtout continue de nous régaler!

  7. Bonjour Steph.
    Je viens de lire(et de vivre)ton concours et bien BRAVO,felicitations et avec une machine hors d’usage!! Chapeau.
    Nous avons en commun d’aimer Mark Knopfler.
    A bientot.

  8. Bravo au champion et merci pour cet article. Je me suis permise d’en reprendre des extraits avec l’une de vos photos en découvrant l’existence de ce nouveau concours, pour un jeune blog pour passionnés de café Où boire du bon café à Paris. Bien noté et bien partagé cette bonne adresse à Louargat l

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