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Fazenda Ambiental Fortaleza Le 02/03/2014

Salle de repos FAF
Salle de repos et de repas

J'ai attendu 6 mois pour faire cet article, simplement parce que je n'imaginais pas vous le faire lire sans que vous ayez la possibilité, à la lecture, de goûter aux fantastiques lots que j'ai sélectionnés grâce à cet exportateur.

Oui, Fazenda Ambiental Fortaleza est une ferme mais c'est avant tout, au niveau du café, un exportateur, mais avec un projet clair : l'amélioration de l'environnement, des conditions sociales des fermiers et de leur production. Ces 3 axes, liés, forment un cercle vertueux qui change la face de cette région de production depuis plusieurs années.

Jusqu'à l'année dernière, 99% des grands cafés du Brésil vendus par Caffè Cataldi provenaient du sud de la région de Minas Gerais, qui est limitrophe à celle de Sao Paulo (c'est une ville mais aussi une région), où travaille F.A.F. Cette zone est bien évidemment montagneuse (800/1500 mètres) et on pourrait schématiser en disant que Minas Gerais commence sur le versant nord des montagnes et Sao Paulo sur le versant sud. Or, le versant nord est extrèmement réputé pour la qualité de sa production alors que le sud ne l'est pas. Et pourtant, je peux vous assurer qu'en allant de ferme en ferme, nous n'avons pas arrêté de faire le va-et-vient entre ces deux endroits et on n'y constate aucune différence d'écosystème. Il m'a fallu regarder une carte, à mon retour en France, pour constater que nous étions plusieurs fois passés par Minas Gerais.

Il y a une dizaine d'années, Marcos Croce, ayant bien gagné sa vie aux USA dans l'import/export, est rentré au Brésil suite au rachat d'une ferme, Fazenda Ambiental Fortaleza, qui était dans la famille de sa femme depuis plusieurs générations mais alors en faillite. Bon, il faut tout de suite mettre quelque chose au point, nous sommes au Brésil et quand on parle de ferme (même s'il y en a de très petites), on s'exprime en centaines d'hectares. Et F.A.F., c'est près de 600 hectares, dans lesquels on trouve des élevages, différentes cultures, des rivières, des plans d'eau et des forêts secondaires. Imaginez une grande cuvette : la ferme représenterait tous les versants des montagnes qui forment cette cuvette. Madame Croce étant plus que portée sur l'agriculture biologique, il fut décidé d'emblée que toute la production de FAF le serait, et, au fil des années, cette ferme est devenue une référence en la matière. Je ne sais pas exactement ce qui a amené Marcos à s'occuper de café mais plus que l'agriculture biologique, c'est une certaine vision des relations humaines qui anime cette famille. Et quand vous êtes dans une région aussi rurale que celle-ci, cela passe forcément par un certain rapport avec la nature, et la nature là-bas, c'est le café. :)

Une petite partie de la ferme FAF
Forêt secondaire dans la ferme FAF

Marcos a vite compris à quel point les fermiers souffraient de tout ce que peut générer de pire la production intensive : vente à prix minimal, utilisation massive de pesticides et fongicides, dégradation des sols et pollution de l'eau. Il faut bien comprendre que souvent, les familles vivent dans de petites villes, comme Divinolanda ou Caconde et cultivent le café dans des fermes au flanc des montagnes, qui ressemblent plus aux Vosges qu'aux Alpes. Je vous rappelle que nous sommes en pleine zone équatoriale et que toutes, je dis bien toutes, ces fermes ont des ruisseaux qui les traversent, et celles situées dans les zones les plus hautes, ont même des sources ; elle descendent toutes dans les villes pour former de plus grandes rivières et c'est là qu'est puisée l'eau potable...

Lorsque vous faites du café conventionnel, votre marge est minimale. Alors pour vivre (ou plutôt survivre), vous devez faire place nette, vous coupez tous les arbres, vous plantez très densément, récupérez le moindre mètre carré, fertilisez au maximum et mettez tous les produits possibles pour éviter les attaques d'insectes et de microorganismes. Problème, vous vivez désormais dans un pays où le coût de la vie est proche d'un pays européen et vous devez tout acheter, de ce que vous allez mettre dans votre assiette et celle de votre famille, à ce que vous injectez dans votre terre. Au prix du café conventionnel ces dernières années, au mieux vous survivez. Et quand vous en êtes là, avec comme principale question : comment vais-je faire pour nourrir ma famille demain ? difficile de se dire qu'on pourrait faire autrement ; ce système vous pose des œillères, et souvent un entonnoir dans la bouche alors que vous êtes déjà en train de vous noyer.

La famille Croce, partant de ce constat, et ayant remarqué qu'à quelques kms des modèles basés sur la qualité fonctionnaient alors qu'il s'agissait du même terroir, ont essayé de convaincre quelques producteurs influents ou simplement motivés de passer à l'agriculture biologique. Grossière erreur ! Arrêtez de doper une terre morte, tuée par des décennies de traitements, et vos rendements s'effondrent le temps que la terre revienne à la vie (car une terre ne meurt jamais, elle met simplement des années à se reconstruire). Résultat des courses, les premiers essais, bien qu'encourageants en terme de qualité, ont entrainé la faillite de fermiers en 3 ans, la production tombant de 60 à 3 sacs à l'hectare. Il fallait donc avancer de manière plus prudente et prioriser.

1. Protéger les sources et ruisseaux en les entourant d'une zone vierge de toute culture. En zone équatoriale, en l'espace de 2, 3 ans, vous obtenez une diversité végétale étonnante, très touffue, pleine de vie.

2. Supprimer les pires produits et limiter l'utilisation au maximum des herbicides et autres... Les plantations visitées n'utilisent que 2 fois par an au maximum des herbicides, aux concentrations minimales et uniquement si cela est nécessaire. Mais lors de la saison des pluies, les végétaux poussent quasiment à vue d'œil...

3. Replanter des arbres. Le plant d'arabica a besoin d'être protégé du vent et du soleil mais les arbres modifient aussi de manière très importante la composition du sol, et, de par leur ombrage, limitent la pousse de ce que l'on appelle les mauvaises herbes. Avantage supplémentaire, ils fournissent le logis à une faune qui participe très efficacement à la lutte contre les insectes.

Et c'est à cela que s'affaire FAF ces dernières années, avec des résultats extraordinaires !
En parallèle, ils utilisent leur ferme comme outil d'étude, plantent dans la forêt (production bio "passive"), en plein champ sous ombrage de bananiers, ou encore en intercalant des rangées d'engrais verts (production bio "active").

Production Bio passive
Production Bio passive. Le café pousse en forêt sans intervention de l'homme (en dehors de l'élimination des lianes)

Production Bio active
Production Bio active. Le café pousse au milieu d'autres cultures et est désherbé à la main

F.A.F, ce n'est pas que Marcos, mais aussi ses enfants, Felipe et Daniel !
Felipe est dégustateur Q-Grader, un nez du café, alors que Daniel est monsieur gestion des contrats.

En tant que Q-Grader, Felipe est capable de noter un café sur la base de la norme internationale du Coffee Quality Institute, d'en déterminer ses caractéristiques et ses défauts, et comme il travaille main dans la main avec les producteurs, avec l'expérience et les connaissances acquises, il sait comment tirer le meilleur d'un terroir.

Lorsque vous commencez à respecter les 2 premiers points indiqués ci-dessus, vous pouvez rapidement obtenir 30 à 50% de votre production notée entre 84 et 86 /100. Vous entrez alors dans le monde du café de spécialité où le prix n'est plus défini par le marché à terme mais par la qualité de la tasse. Et on parle alors, au moment où j'étais sur place, de plus du double du prix du marché !
Bien sûr, il reste un bon tiers, un peu plus, un peu moins suivant les conditions climatiques, de cafés inférieurs à 84/100... MAIS, ces cafés respectent le cahier des charges environnemental (et souvent les surpassent) du commerce équitable. Vous obtiendrez donc le prix du marché du jour de la vente plus un bonus de quelques centimes/dizaines de centimes à la livre (env. 450g). Le groupement de producteurs avec lequel j'ai discuté de cela m'a indiqué qu'il recevait chaque année aussi en cadeau un matériel agricole : une fourgonnette, un sécheur...

En passant, vous comprenez pourquoi, selon moi, le commerce équitable est une ineptie...

Tri manuel
Tri manuel chez un partenaire FAF

Lorsque vous vendez une bonne partie de votre production plus du double de la valeur du marché, là, vous gagnez de l'argent ! Vous pouvez alors vous permettre de produire moins et d'investir dans du matériel qui va vous offrir la possibilité d'améliorer la qualité du produit final. C'est ainsi que l'on reconnait tous les producteurs qui passent par FAF aux lits africains fabriqués là où avant ils étalaient les cerises en vrac sur le sol. Ils permettent une meilleure maîtrise du séchage et facilitent le tri. Dès lors, suivant l'adaptation de votre variété au terroir et aux qualités intrinsèques de celui-ci, vous pouvez obtenir des micro-lots d'une extrême qualité, certes en bien plus petite quantité, mais qui, d'une part parce qu'ils sont très recherchés, et d'autre part parce qu'ils le méritent se vendent 5, 6 voire 7 fois le prix du marché.

Cafés naturels en cours de séchage
Café naturel (voie sèche) en cours de séchage, protégé de la pluie et remué régulièrement

Non seulement Felipe travaille avec les producteurs à l'amélioration constante de leur production mais il assemble aussi certains lots, soit pour en augmenter la taille (aller proposer 20 sacs de bob-o-link à quelqu'un qui cherche 3 containers de 200 sacs n'a pas de sens), soit pour leur donner une couleur aromatique et ainsi s'adapter aux attentes de certaines zones géographiques (plus floral au nord de l'Europe, plus chocolaté au sud, par exemple). Il a d'ailleurs créé sa propre structure, FAF Coffee, avec un laboratoire à Sao Paulo, qui lui permet de recevoir des torréfacteurs et importateurs du monde entier, ainsi que de travailleur au plus près de grands chefs brésiliens et faire émerger le café de spécialité au Brésil !

La salle de cupping de FAF Coffee, à Sao Paulo
La salle de cupping de FAF Coffee, à Sao Paulo

En 10 ans, FAF a prouvé que ce modèle fonctionne. Les fermiers non seulement vivent de leur production, mais certains deviennent même des stars, comme Joao Hamilton, dont un des lots, acheté par Tim Wendelboe a été servi au Noma, considéré comme un des meilleurs restaurants au monde et dont le chef met un point d'honneur depuis 2 ans à fournir un café de qualité.

Joao Hamilton et moi
Joao Hamilton et moi, à Sitio Canaa

Et ce n'est qu'un début car il reste beaucoup à faire pour encore convertir plus de producteurs à cette méthode et pour aller encore plus loin, le graal étant une production bio, sans monoculture. Les méthodes de production actuelles, pour un café de spécialité biologique, à tasse équivalente coûte 2x plus cher à produire, et encore, uniquement lorsque la terre revit, c'est-à-dire après 8 à 10 ans la conversion du terrain au bio. Or, le marché du café de spécialité se fiche de savoir comment est produit le café, arguant (à raison) que seule une agriculture raisonnée ("sustainable") et un environnement social responsable permet de produire du café de qualité. Certes mais ne rien mettre du tout serait encore mieux. Il nous faut donc accepter, nous torréfacteurs, et vous, consommateurs, de payer plus cher un café de spécialité bio, non pas parce qu'il est meilleur en tasse mais simplement parce que c'est mieux pour la santé du producteur, des familles et plus largement de l'écosystème de ces fermes.

Pour cette production de Micro Lots 2013, j'ai payé à FAF :
FAF 360 - Joao Hamilton - Sitio Canaa - Bourbon Rouge - 89/100 6,00$ la livre
FAF 294 - Joao Hamilton - Novo Canaa - Catuaì Rouge - 89/100 6,00$ la livre
FAF 326 - Milton Nogueira - Bio - Obata - 89/100 6,30$ la livre
Prix du marché au moment de l'achat : env. 1,20$ la livre
Ces prix ne tiennent pas compte de l'export, des formalités d'importation, du déchargement et du transport du Havre à Louargat.

Retrouvez tous ces cafés dès maintenant sur le site, en cliquant ici !

Vue depuis Sitio Canaa
La vue depuis le point le plus haut de Sitio Canaa, au crépuscule...

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